Départ du village Solar le 11 janvier 1000
Arrivé à Fort Espérance le 15 janvier 1000

Il fait chaud, très chaud, comme si le soleil voulait le plus rapidement possible assécher les terres que la mer à recouvert, ce qui est une bonne chose. Le problème est que les nombreux cadavres d’hommes et d’animaux qui bordent la voie recommence de nouveau à puer et l’odeur de putréfaction devient très vite insoutenable pour des hommes normalement constitués.

Pourtant nous continuons notre route, car ce triste spectacle est désormais notre quotidien, les corps étant trop nombreux pour pouvoir être enterré, de plus, les toucher pourraient vous rendre malade comme on fait l’amère expérience des survivants qui ont voulu essayer, et ont succombé à une étrange affliction, vous privant de toute force, avant de vous faire cracher du sang, jusqu’au trépas.

L'eau est également devenu rare et moi qui auparavant prenais un bain par jour, je fais une toilette de chat dans une bassine, mes vêtements autrefois impeccables sont couverts de poussière et mon fier étalon est mort, ne pouvant se nourrir que de grain, j’ai préféré l’abattre moi-même afin d’apporter un peu de nourriture à mes gens, plutôt que de le regarder dépérir.
Je chevauche maintenant un cheval petit, râblé et mauvais comme une teigne mais qui arrive à se sustenter d’herbe. Bref, le monde à bien changer, pourtant il reste une lueur d’espoir dans ce monde ravagé par les tremblements de terre et le tsunami ; Adélaïde Rosamund Elisabeth Estéria, que certain surnomme la Miraculée. Enfin, ce sont les rumeurs que j’ai entendues et c’est la raison pour laquelle j’ai quitté mes terres ravagées avec deux de mes soldats, pour en connaître la vérité.

Il y a quinze jours, avant les catastrophes qui ont rendu notre pays méconnaissable, la route entre Fort-Espérance, que l’on m’a présenté comme la nouvelle capitale et mon village n’aurais duré qu’une journée avec des relais pour changer de monture. Aujourd’hui, il me faut quatre jours pour parcourir la même distance et sans mes braves compagnons, je n’aurai jamais réussi, car les bandits de grands chemins sont nombreux.

Mais enfin, mon objectif est en vue car je peux voir une ancienne citadelle, avec des murailles qui semblent solide et deux voies d’accès. Je choisis la porte sud, dont la grande porte a été réparé à l’aide de solides rondins, et je vois une petite troupe la gardant. Afin de ne pas paraitre menaçant, je demande à mes hommes de descendre de cheval, et j’en fais de même, avant de m’approcher avec précautions.

Les hommes qui nous font face semblent être des vétérans car ils ne nous quittent pas des yeux, attentifs au moindre de nos gestes. Arrivé à une dizaine de mètre, je m’arrête afin de me présenter, utilisant naturellement mon ton de commandement :

Je suis le seigneur Fabius Solar, dirigeant du village du même nom et je souhaite m’entretenir avec la Reine Adélaïde Rosamund Elisabeth Estéria !

Je vois l’homme le plus âgé, un capitaine si j’en crois les insignes de son uniforme, s’avancer vers moi, nullement impressionné par mon petit discours, pour me dire, le visage fermé :

Vous êtes ici à Fort-Espérance, il vous faut savoir que pour les fauteurs de trouble, il n'existe que deux peines ; l'esclavage pour les délits de droit commun et la mise à mort pour les crimes les plus graves. Maintenant, vous voilà prévenu, sa majesté réside dans le château, il vous faudra montrer patte blanche avant d’y être autorisé à y pénétrer.

Une fois son monologue terminé, il fait un signe et je vois les portes s’ouvrir. Toujours à pieds, nous entrons donc enfin dans la citadelle et je peux voir de nombreuses bergeries et des tentes et autres abris de fortune, cette partie de la ville étant de toute évidence surpeuplé. Je vois de nombreux visages se tourner vers moi, dont certains sont rongé par le désespoir et l’incompréhension, devant la furie des éléments qui les ont frappés.

Je laisse contre quelques pièces nos montures dans une écurie, réparé à la hâte et aux trois quarts vide, non sans un pincement au cœur, car ce sont les derniers chevaux qu’il reste dans toute ma contrée. Nous continuons à monter et nous arrivons devant une seconde porte que j’arrive à franchir, même si je dois laisser mes deux hommes sur place, afin de montrer à tous que je ne suis pas un danger potentiel. Cette seconde partie de la cité est beaucoup plus propre et organisé que la première et j’en profite pour m’arrêter quelques minutes chez un commerçant, qui pour un prix modique, et en utilisant qu’un minimum d’eau, nettoie mes vêtements et me permet même d’utiliser le reste pour me rincer, enlevant ainsi l’odeur de mort qui m’imprégnais.

J’ai maintenant bien meilleure allure et c’est donc avec une confiance renouvelée que je passe la dernière porte menant au château. Je dois pour entrer dans cette construction laisser mon arme à l’entrée, et on me fait ensuite patienter dans l’antichambre. Je pense au but de tout ce périple qui m’attend derrière cette porte, et je suis très nerveux, je n’ai vu celle qui à l’époque était princesse que quelque fois, lorsque ma famille était convoquée avec les autres nobles lors des réceptions officiels et elle a sans aucun doute oublié qui j’étais.

Et maintenant, nous allons nous rencontrer à nouveau, moi devenu responsable d’un village d’une centaine d’habitants tout au plus et peinant à survivre et elle, reine d’un royaume en ruine ne connaissant même pas le nombre de survivant. Comme quoi, plus les choses changent, plus elles restent les mêmes.

Depuis le Cataclysme tout allait de mal en pis. Peu avaient anticipé que l'amont de morts poserait autant de problème. Trop nombreux pour être enterrés, on ne savait trop quoi en faire. Sur Fort-Espérance, j'avais finalement donné l'ordre de les brûler durant une cérémonie religieuse, par respect pour leurs âmes. Cela nous a permis d'ôter cette terrible odeur qui jaillissait de leurs corps inanimés. Elle aurait voulu donner la consigne à tout le royaume d'en faire de même mais vers où les envoyer ? Les villes de jadis n'étaient plus et elle ne savait pas bien encore qui était à la tête de celles qui s'étaient créées.

Pour le moment, le chaos régnait mais je ne perdais pas l'espoir de rétablir un semblant d'ordre. Le temps jouerait en sa faveur, j'en étais sûre.

D'ailleurs, l'homme qui venait de me déranger ne faisait que répondre à ces espoirs. Un ancien seigneur se trouvait dans l'antichambre et venait me demander audience. Ce ne serait que le début d'une longue liste, c'était certain. J'acquiesçai et demandai à ce que l'on ne fasse pas plus attendre son visiteur.

L'homme fut alors invité à entrer. Comment le décrire à part en disant simplement qu'il était le pure reflet d'un monde qui n'était plus ? Ses vêtements, visiblement usés par la dureté de la vie actuelle, n'avaient pas réussi à retrouver leur splendeur d'antan, même si on avait visiblement prit soin de les faire paraître au meilleur de ce qu'il était possible de faire vu les circonstances. Toutefois, je ne lui en tiens pas rigueur. Les temps étaient difficiles pour tout le monde et j'avais la chance d'être privilégiée en ayant trouvé refuge dans une des terres les moins touchées par le Cataclysme.

La pièce qui faisait office de "bureau de la Reine" comme on l'appelait, était très lumineuse grâce aux vitraux qui parsemaient les murs. De taille moyenne, on pouvait imaginer des réunions stratégiques y prendre place autour d'une table où une grande carte du royaume serait déployée. Toutefois, aujourd'hui la carte allait plus servir à identifier leurs forces restantes que le contraire. Les moyens de communication étant rompus dans le royaume, avoir des nouvelles était plutôt difficile et en soit, c'était en grande partie de ce que j'attendais de rencontres telles que celles-ci. En effet, n'ayant pas les ressources nécessaires pour envoyer des messagers aux quatre coins du royaume pour prendre le relai des pigeons, je n'avais d'autre choix qu'espérer que ce seraient les seigneurs qui viendraient à moi. En plus de cela, les quelques hommes qui se trouvaient à Fort-Espérance servaient avant tout à la fois à ma sécurité et à aider les personnes qui venaient se réfugier entre les murs du château de mon protecteur. En soit, si on y réfléchissait, je suis moi-même une réfugiée en quelque sorte puisque je suis obligée de bénéficier de l'hospitalité de mon ancien régent.

Je regardai le jeune seigneur s'incliner face à moi et l'invitai à s'asseoir. Son visage m'était quelque peu familier mais je ne saurais dire si je l'avais rencontré au château ou si nous nous étions tout simplement trouvés quelques fois aux mêmes réceptions.

Toujours est-il que s'il m'avait demandé audience, ce n'était pas pour rien. Je lui laissais donc le loisir de me présenter ses doléances.

Je suis surpris quand un garde royal me fait signe d’entrer, je m’attendais à un temps d’attente beaucoup plus long, mais je me lève avec précipitation, soucieux de ne pas faire attendre mon hôte. Je passe donc les portes et arrive dans un hall bien éclairé grâce à des grands vitraux et mettant en valeur la personne qui me fais face. La jeune adolescente a bien changé et plutôt en bien, car j’ai devant moi une très belle jeune femme qui me regarde sans ciller. Son maintient est celui d’une Reine, et arrivé à distance réglementaires, je m’incline comme on me l’a appris, avant d’accepter son invitation à s’assoir.

Elle semble ne pas me reconnaitre, ou du moins, n’en laisse rien paraitre, et j’ai moi, des milliers de choses à lui dire, je débute donc notre conversation :

Reine Adélaïde Rosamund Elisabeth Estéria je tiens tout d’abord je tiens à vous féliciter pour votre couronnement, et vous remercie de me recevoir.

Voilà, c’était la partie facile et formelle, maintenant que celle-ci est expédié, je peux être venir au sujet motivant ma présence :

Je suis le seigneur Fabius Solar, responsable d’un petit groupe de survivant à quelques lieus d’ici et je souhaitais venir ici afin de mettre mon épée et celle de mes gens à votre service, si vous avez besoin de quoi que ce soit, et qu’il en mon pouvoir de vous le fournir, je m’engage sur mon honneur à le faire.

Voilà, c’est fait, la famille Solar a toujours prêter serment à la famille royale, même si nous étions aux derniers rangs lors des cérémonies et l’a servi fidèlement pendant des générations, j’ai aujourd’hui réalisé mon devoir envers mes ancêtres, car je pense être le seul de ma lignée à avoir survécu. Pour ma proposition d'aide, elle est sincère, même si aujourd’hui, je ne sais pas si mon village n’a pas été rasé par une bande de pillards en mon absence, je reste attaché à remplir mon devoir.

J’attends donc un moment afin d’entendre une éventuelle remarque, avant de continuer :

Je serais venu plus tôt si j’avais su que la capitale du Royaume avait été déplacé, mais les nouvelles voyagent lentement de nos jours et les routes sont mauvaises. Bref, que puis-je faire pour votre altesse ?

C’est sans doute présomptueux de ma part de penser que je peux aider ma reine, mais elle doit être harcelé tous les jours par des personnes qui demandent des faveurs et cela doit la changer d’être en situation de demandeuse. Je suis pour ma part plutôt content de savoir qu’il existe dans cette nouvelle ère, une continuité, un symbole que les jours anciens peuvent revenir et qu’il ne faut pas se laisser aller au désespoir.

Après tout j’ai devant moi, celle que l’on nomme La Miraculée et je suis persuadée que le Destin l’a sauvé pour rebâtir notre contrée. J’attends donc sa réponse à ma proposition, en souriant, confiant dans mes capacités à pouvoir l’aider dans sa tâche, après tout je suis moi aussi un survivant et j’ai vu entre ces murs, beaucoup de désespoirs dans les yeux des habitants, mais le fais même qu'ils ne soient pas mort prouve que la vie est plus forte que tout.

Je remerciai poliment mon visiteur de ses félicitations en inclinant ma tête et en le gratifiant d'un sourire bienveillant. Je ne savais que lui répondre en vérité. Beaucoup oscillaient entre me blâmer pour le cataclysme, comme si c'était de ma faute. Une sorte de punition des dieux du fait que la couronne soit placée sur la tête d'une femme. D'autres me plaignent d'être à la tête de ruines. Pour ma part, j'avoue que je tâche de ne pas me laisser grandement le temps d'y penser. Je pense que sinon j'en tomberai de tristesse sans savoir si j'allais pouvoir m'en relever. Le pays n'a pas besoin de cela pour le moment mais de se retrousser les manches et de faire en sorte qu'on ne perde pas plus de gens qu'on en a déjà perdus.  

J'accueillis ensuite la prestation de serment du dernier représentant de la famille Solar. J'attendais cela depuis maintenant 15 jours et je me réjouissants que ce que j'espérais tant depuis le cataclysme se produise enfin : les survivants venaient se placer sous ma protection afin de rétablir l'ordre dans lequel chacun y chercherait sa place.

-J'accepte avec plaisir votre serment seigneur Solar.

La suite m'apparut assez étrange mais en même temps, tout n'était-il pas étrange en soit à cette époque que nous vivons aujourd'hui ? En effet, d'ordinaire, les nobles avaient plutôt cherché à savoir ce que le Roi pouvait faire pour lui et non l'inverse. Il fallait dire que par les temps qui couraient, c'était plutôt moi qui avais besoin d'eux.

- En effet seigneur Solar, du fait de ces terribles évènements auxquels nous avons miraculeusement survécu, les communications ont toutes été coupées et je ne saurais envoyer de messagers à la rencontre de chaque seigneur encore en vie dans les quatre coins du royaume pour le moment. Nous avons besoin ici de toutes les forces qui nous sont disponibles afin d'aider les survivants qui nous rejoignent chaque jour, toujours plus nombreux.

Elle allait enfin pouvoir commencer à oeuvrer. Elle ne s'attendait pas à pouvoir faire de grandes choses tout d'abord mais mieux valait faire de petites choses de manière grandiose après tout.

- Bien évidemment, vous êtes le bienvenu dans ces murs et je comprendrai que vous souhaitiez prendre quelque repos avant de reprendre votre route. Il est impératif pour le moment que chaque seigneur de chaque terre brûle ses morts afin que des maladies ne puissent pas se propager. C'est ce que nous avons fait ici dans le cadre d'une cérémonie religieuse pour l'âme de ces malheureux que nous avons perdu bien trop tôt. Je vous invite à en faire de même dans vos terres. Ainsi, vous pourrez plus vite reconstruire et vous aurez permis à vos gents de pleurer leurs morts. Je me suis assurée auprès de l'évêque de Fort-Espérance que nous n'empêcherions pas ainsi à leurs âmes de rejoindre les dieux et nos ancêtres. Il m'a assuré qu'au contraire, c'était ainsi que procédaient nos ancêtres avant que l'on décide de les enterrer pour que les survivants puissent se recueillir.

Adélaïde laissa au seigneur Solar un peu de temps pour penser à cette information.

- N'hésitez pas aussi à recueillir les survivants, ne leur fermez pas votre porte. Je comprendrai en revanche que vous souhaitiez vous assurer qu'ils n'apportent pas de maladie. Si d'autres seigneurs venaient à frapper à votre porte, n'hésitez pas à les envoyer à moi. En outre, si vous pouviez m'envoyer quelques messages réguliers sur l'état de votre population, j'en serai fort aise. Pour le moment, il vous faudra m'envoyer un messager mais j'ai bon espoir que l'on puisse en revenir assez rapidement aux pigeons, sitôt qu'ils reviendront s'installer à Estéria.

J'espérais qu'il trouverait mes demandes tout à fait appropriées et qu'il y consentirait sans trop de difficulté. Normalement, un duc aurait fait le relais mais pour le moment et tant que je n'étais pas en mesure de savoir officiellement quels seigneurs étaient encore en vie ou non, je ne pouvais nommer qui que ce soit à quelque poste que ce soit. Je ne prenais en revanche, pas trop de risque à nommer des héritiers qui se présentaient à moi aux mêmes titres de noblesses que feu leurs parents. Les choses se compliqueront le jour où on viendra revendiquer un titre laissé inoccupé. Il faudra que chacun fasse ses preuves en temps voulu.

Le fait d'être dans ma position a l'avantage que vous avez l'occasion d'avoir vu les gens se comporter bizarrement envers vous enfin une fois. Ainsi, je me suis retenue assez facilement de rires face à la montée en flammes du sentiment patriotique et monarchique du seigneur Solar. Si j'appréciais cet enthousiasme, je n'oubliais pas pour autant que ce genre d'attitude pouvait également se montrer dévastatrice.

Que je garde mon calme et me montre impassible avait dû montrer à ce dernier combien il faisait erreur en se laissant s'emporter ainsi devant sa souveraine car il calma son ton aussi vite qu'il l'avait enflammé.

Ainsi, il me proposait de m'alléger d'une partie de la population pour les héberger dans son fief, moyennant de l'aide pour commencer à cultiver des champs. En soit, je n'y voyais pas d'objection, si tant est que ces personnes aient manifesté la volonté de s'en aller. Ils commençaient à s'entasser dans les murs du château, ce qui rendait le quotidien très inconfortable, tant pour les survivants que pour les soldats qui devaient veiller à la sécurité au sein de Fort-Espérance.

- Je ne vois pas d'objection à cela. Voyez si vous trouvez des volontaires qui souhaiteraient s'établir dans votre seigneurie et s'ils sont aptes à vous aider dans votre culture. Nous serons tous gagnants si les terres étaient de nouveau cultivées. Nous avons certes du temps mais il faudrait que l'on se prévienne d'un hiver rude et cela doit se faire dès maintenant si nous voulons pouvoir avoir quelque récolte.

Ce qu'il me révéla sur mes gardes en revanche me plut beaucoup moins. Qui devais-je croire ? Ce seigneur que je connaissais à peine ou mes hommes qui étaient prêts à donner leur vie pour me protéger ? Je me renfrognai quelque peu, montrant ma désapprobation face à de telles accusations, sans toutefois en rejeter la pertinence. Je ferai la lumière sur tout ceci par moi-même dès que le seigneur Solar aura pris congés.

- Vous me voyez fort étonnée de tels propos. Peut-être mes hommes ont-ils jugé bon de faire peur aux visiteurs avec de tels propos ? Sachez en tout cas que si les crimes les plus graves sont en effet punis par une mise à mort, je ne tolère en aucun cas l'esclavage. Encore moins en tant que punition de crimes de droit commun. Mon peuple a déjà bien trop souffert avec le Cataclysme pour que je permette une telle chose.

Fort mécontente de la tournure que prenait notre conversation je me sentais ainsi plutôt soulagée que le seigneur Solar décide de prendre rapidement congé. Ne montrant rien de mon énervement, je me levai pour raccompagner mon interlocuteur vers la porte.

- Je vous en prie, je comprends tout à fait. Je vais donner des ordres afin que l'on vous prépare une chambre où vous reposer et que l'on vous serve un repas chaud à vous et vos hommes. Je vous souhaite un bon retour en vos terres seigneur Solar. Notre rencontre restera longtemps dans ma mémoire.

Je me montrai des plus hospitalières envers le seigneur Solar. Je ne voulais pas que des rumeurs courent en disant que la Reine était impolie et inhospitalière, cela risquerait de faire peur à d'autres seigneurs. Il fallait admettre que son trône, s'il tenait pour le moment, pouvait vasciller à tout instant. Si mes détracteurs, qui prétendaient qu'une femme ne pouvait pas régner (malgré l'exemple de ma grand-mère), étaient en plus mauvaise posture encore que moi, le temps viendrait où je devrai me défendre. Il est à espérer ce jour, que j'aurais suffisamment assis ma position tant mise à mal par les éléments.

C'est donc par ces mots, que je conclus cette entrevue, laissant mon interlocuteur penser qu'il s'était montré spécial alors qu'au fond, la gêne prévalait à toute autre chose pour le moment.
Je regardai le seigneur Solar s'en aller avant de faire venir l'intendant de Fort-Espérance.

- Sa Majesté a demandé à me voir ?
- En effet, j'ai promis l'hospitalité au seigneur Solar et à ses hommes, vous serait-il possible de vous assurer qu'ils soient confortablement installés pour la nuit et qu'ils aient mangé à leur faim avant de repartir ?
- Ce sera fait selon vos désirs votre Majesté. Puis-je faire autre chose pour vous ?
- Oui, allez avertir discrètement le chef de la garde que je souhaite une surveillance constante sur le seigneur Solar. Il nous faut nous assurer que les survivants qui partiront avec lui soient bien volontaires et non forcés. Nous enverrons des hommes vers ses terres d'ici quelques jours pour nous assurer qu'il les traite bien. Faites appeler également le capitaine chargé de la sécurité à la grande porte. Je dois m'entretenir avec lui de toute urgence d'une affaire fâcheuse.

L'intendant n'ajouta pas un mot et se contenta de retenir tout ce qu'on lui avait demandé avant de prendre congé. Je commençais à peine à prendre la mesure de mes fonctions. Les choses allaient être plus dures que je ne m'y attendais finalement.

A ma grande satisfaction la Reine accepte que je fasse la promotion de mon village afin de désengorger l’agglomération. Nous pourrons ainsi cultiver plus de surface cultivable et survivre, avec de la chance, la moisson sera bonne cette année, car même si le temps semble être détraqué, j’espère que ce n’est que temporaire.
 
Nous parlons ensuite de l’esclavage et il me semble que j’ai mal compris, ce qui me rassure sur les idées de ma souveraine qui ne veulent pas chambouler notre mode de vie, malgré les nombreuses catastrophes naturelles dont notre pays a souffert. La Reine toujours aussi charmante me raccompagne elle-même à la porte, j’ai donc dû faire forte impression pour avoir droit à cette marque de reconnaissance.
 
C’est donc avec un grand sourire que je quitte les lieux, passant devant différentes personnes avec qui j’échange quelques mots. Certains me demandent des nouvelles de leurs proches, mais je ne peux que répondre par la négative, aucune des individus que j’ai put croiser au cours de mes voyages ne correspond à leurs demandes. C’est donc avec des sentiments mitigés que je pars me coucher dans l’endroit que m’a octroyé ma souveraine. Il y a de l’espoir pour moi et mes gens, mais il y a eu tellement de morts, que c’en est effrayant, les disparus se comptent par millions et il est impossible de savoir qui a survécu.
 
Heureusement pour moi, je suis tellement fatigué que je dors d’un sommeil sans rêve, ce qui m'évite de faire mes cauchemars habituels et me reveillant de meilleure humeur, je me lève et après avalé un bon repas, du moins par rapport à celui de mon village, je pars à la recherche de volontaire. Ma demande semble attirer de nombreuses personnes désireuses de ne pas rester les bras ballants, je fini par en sélectionner dix qui ont quelques talents en agriculture.
 
Je refuse un certain nombre de réfugiés qui complètement citadin ou en trop mauvaises formes ne survivrais pas au voyage et avec l’accord de la Garde, nous partons pour quatre jours de voyage. Notre déplacement dans les terres désertiques se passent bien, car nous commençons à connaitre la route et les gens du peuple que j’ai recruté connaissent les techniques de survie élémentaire. Je reste à cheval avec mes gardes, pour empêcher toute embuscade et nous arrivons ainsi au village de Solar.
 
Je suis soulagé de voir que mes habitants n’ont pas été attaqués par des brigands ou autres créatures malfaisante comme des loups et je fais rapidement les présentations. J’ai maintenant cent dix âmes sous ma responsabilité et je demande combien seront encore vivant dans un mois. Pourtant je n’ai guère le temps de me poser des questions, car les travaux d’agriculture doivent primer avant toute chose et je travail à leur côtés, espérant que tout cela nous permette de survivre quelques jours de plus.