Après un peu plus de 15 jours de voyage, Éléanor arrivait enfin à Fort-Espérance. Si elle avait connu la capitale du duché de l'Ouest sous un autre nom, elle reconnaissait les lieux sans difficulté et constata que Clerebald le Juste avait eu bien de la chance que son château soit si peu touché en comparaison de celui de Wendenis.

Si jadis, le château des ducs d'Erzac avait pu rivaliser de grandeur et de beauté avec le palais royal, aujourd'hui il n'est plus que ruine. Seule l'aile ouest avait pu supporter le poids de la catastrophe. Tout le reste était à rebâtir. Malheureusement, même si elle initiait de tels travaux, elle avait parfaitement conscience que jamais plus elle ne reverrait la splendeur passée du château de Wendenis. Elle finissait petit à petit par se faire une raison.

Peut-être était-ce la chance ou l'avantage d'avoir une apparence aussi agréable mais toujours est-il qu'elle avait réussi à faire tout ce voyage sans rencontrer le moindre obstacle à sa route. Si cette aventure était longue et qu'elle espérait arriver avant qu'il ne soit trop tard, sa présence était toutefois indispensable et elle en avait parfaitement conscience. Elle espérait simplement que sa mère et ses soeurs n'auraient pas à supporter une éventuelle révolte de leur peuple, désespéré face à l'épidémie de peste noire qui sévissait dans le duché depuis la fin du Cataclysme.

Pour l'occasion, elle avait revêtue une simple robe de voyage, ayant l'avantage de ne pas attirer l'attention sur sa noblesse mais d'assez bonne qualité pour qu'on remarque que ce n'était pas une paysanne qui pouvait s'offrir un tel vêtement.

Elle chevaucha tranquillement jusqu'à la porte du château où elle alla se présenter face aux gardes. Son cheval était épuisé et elle ne voulait pas le pousser dans une course inutile. Elle espérait pouvoir rester quelques jours auprès de la Reine afin de permettre à son cheval de se reposer avant de reprendre la route pour rentrer chez elle. Elle ne pouvait se permettre de faire attendre les siens plus longtemps.

Éléanor se présenta aux gardes qui ne lui firent aucune difficulté. La richesse du poignard qu'elle portait à la ceinture et la présence dessus, des armoiries de sa famille leur avait sans doute démontré sans difficulté qu'elle disait vrai sur son identité. On la conduisit ainsi jusqu'aux remparts où elle pouvait voir de loin la silhouette fine de celle qui avait au même âge qu'elle, tout un royaume en ruines entre les mains avec la responsabilité et les difficultés que ça pouvait apporter. Arrêtée là par un garde, on lui demanda de confier à l'homme son poignard, ce qu'elle fit bon gré malgré. Elle avait peur à vrai dire de ne pas le récupérer mais en même temps, qui aurait les moyens aujourd'hui de dépenser une somme folle pour acquérir cette petite chose peu tranchante en vérité ? L'or et les pierres précieuses n'avaient plus guère d'intérêt pour les gens aujourd'hui car ces derniers ne pensaient qu'à une seule chose : survivre.

Une fois désarmée, on l'introduisit auprès de la Reine qui d'un signe de tête accepta l'audience.

Éléanor s'approcha alors d'un pas prudent mais tranquille et fit une profonde révérence à sa souveraine.

- Votre Majesté, je m'excuse de troubler votre promenade mais des affaires urgentes requièrent votre attention. Me permettez-vous de vous les soumettre ?

Je gardais la tête baissée en signe de respect en attendant que la Reine n'ouvre la conversation en l'autorisant à s'exprimer auprès d'elle.

Je profitais d'un peu de temps libre pour me promener le long des remparts du château de Fort-Espérance. La veille avait été assez intense et difficile à cause de son audience avec le duc d'Orzon. C'était la première fois qu'elle devait avoir à faire avec l'un des pairs du royaume et dire que ce fut une réussite, serait mentir. M'aérer les idées allait me faire le plus grand bien.

Fort-Espérance prenait de plus en plus d'importance avec le flot de survivants qui venaient se réfugier entre nos murs. Bientôt il serait difficile de nourrir tout ce monde et j'en avais parfaitement conscience. En plus de cela s'ajoutaient des problèmes de la sécurité des routes qui allait être de plus en plus handicapant avec le temps si on laissait trop longtemps la situation s'installer. Tout ceci, en plus déjà de tout le reste... Cela faisait beaucoup pour une seule personne. Je ressentais rien qu'en y pensant, le besoin de prendre l'air.

Je planchais sur la question, demandant conseil sans pour autant trouver de réponse et ce sentiment d'impuissance me pesait de plus en plus. Je décidais de stopper là cette réunion inutile et de prendre l'air. Forcément, sécurité oblige, je ne pouvais être seule et je devais me satisfaire d'un moment de solitude, escortée par des gardes. Je marchais tranquillement le long des remparts lorsqu'un garde me fit signe pour m'indiquer qu'un visiteur se présentait.

La froideur de ce milieu d'hiver m'intimait le devoir de ne pas sortir vêtue seulement de ma robe de jour et je me parais donc d'un manteau à fourrure, bien chaud, pour déambuler dans le château. Je pestais que la pierre permette si mal à la chaleur de se diviser mais malheureusement l'expérience des lieux faits de bois qui partent en fumée à la moindre étincelle m'incitait à me faire une raison et à subir la froideur des demeures en pierre que les cheminées ne suffisaient pas pour réchauffer. Vivement l'arrivée des beaux jours !

Peste ! J'avais enfin un petit instant de tranquillité ! En même temps, j'étais également contente que d'autres seigneurs continuent à se présenter, cela me permettait d'avoir une visibilité plus précise sur l'état général du royaume et sur les mesures à prendre pour résoudre les problèmes les plus urgents.

J'acquiesçais au garde qui me prévenait qu'une dame du duché du sud demandait audience et laissa la femme s'approcher. Homme ou femme, le constat devait être le même en voyant cette créature au teint pêche et aux joues légèrement rosies par l'exercice, aux yeux brillants et à la taille fine : Un ange venait se présenter à moi. Je restais droite face à la jeune femme, montrant ainsi ma prestance et tentant plutôt de garder contenance.

- Venez vous promener avec moi, nous aurons ainsi l'occasion pour moi, de prendre l'air et pour vous, de m'exposer les choses qui vous préoccupent.

Je n'attendais pas qu'elle accepte pour initier le mouvement et reprendre ma balade. En ce moment ces moments étaient tellement précieux. Alors que nous avions fait ensemble déjà quelques pas en silence. Pas pendant lesquels j'en profitais pour prendre de grandes bouffées d'air frais, j'incitais mon interlocutrice à s'exprimer.

- Je vous écoute.

La jeune dame du sud se sentait quelque peu rassurée que la Reine lui prête audience. Mieux que cela, elle la conviait à partager sa promenade, c'était inespéré pour Éléanor qui s'attendait à être plutôt reçue dans un espace confiné tel que la salle du trône ou une pièce où se déroulaient d'éventuelles réunions. Elle reprit peu à peu sa respiration, saccadée par l'exercice mais également par le stress.
Il fallait dire que ce n'était pas tous les jours que l'on avait tous les espoirs d'un duché entre ses mains. Présentement, c'était le cas d'Éléanor.

Invitée avec courtoisie par la Reine à parler la jeune femme alors tâcha de se montrer calme et posée.

- Votre Majesté, je suis au regret de vous apprendre de mauvaises nouvelles venues du Sud. Mon père Constant d'Erzac ainsi que mon frère Peter nous ont quittés, emportés par la peste qui sévit dans tout le duché. Nous perdons les survivants par centaine à cause de la maladie. Je viens avec vous non seulement pour me faire reconnaître de vous en tant qu'héritière de mon défunt père mais également pour demander votre aide afin de nous aider à surmonter la situation.

En évoquant la situation, Éléanor s'était soudain sentie bien stupide. Elle revoyait la désolation qu'elle avait rencontré durant son voyage. Elle avait parcouru pratiquement tout le royaume pour venir ici et ne doutait pas que le chaos qui régnait dans le sud était le même que partout ailleurs. Tout n'était que ruine et destruction. Toutefois, elle n'avait pas eu le choix d'entreprendre si rapidement un tel périple. Elle connaissait ses soeurs et si l'une d'elle avait fait cette démarche avant elle, elle aurait perdu le titre qui désormais lui revenait de droit.

Les mauvais souvenirs remontèrent alors à la surface, son frère et son père mourants, ces cadavres partout dans les villes, sur les routes, le long des côtes. Était-ce là la vie que les dieux leur offrirait désormais ?

La nouvelle que m’apportait la jeune femme étaient en effet fort fâcheuse. Comme je l’avais redouté il y a quelques temps, certaines terres déjà fragilisées risquaient de souffrir encore plus une fois le Cataclysme passé. C’était là le cas du duché d’Erzac. J’en étais la première peinée. Plus nous avions de survivants et plus rapidement la reconstruction du pays aurait pu s’entreprendre. Cela compliquait nettement la donne.

Je supposais donc que le duc d’Erzac avait voulu bien faire en faisant enterrer les corps des défunts qui s’amoncelaient dans le respect de leurs âmes qu’ils confiaient ainsi aux dieux avec respect. Toutefois, il aurait nettement plus été intelligent de sa part de les brûler plutôt qu’une fois de plus chercher l’image en donnant sans doute l’impression d’être proche de son peuple alors qu’en réalité, il n’en était rien.

À l’occasion de sa première rencontre avec le duc d’Erzac, Clerebald lui avait présenté le duc du duché du sud comme étant un homme en grande soif de pouvoirs et dont elle devait se méfier à chaque instant. Au fur et à mesure de mes rencontres avec les différents pairs du royaume, je ne pus que reconnaître que Clerebald disait vrai. Fort attaché aux apparences (trait typiquement relatif à ses origines sudistes), Constant d’Erzac a été sans doute l’homme le plus faux et intéressé qu’il m’aît été donné de rencontrer. Toujours d’un mielleux incroyablement insupportable, il ne manquait jamais de me parler de son fils parfait et de son Éléanor si adorable que nous avions tout pour devenir amies. Cette attitude m’avait simplement envie de ne rencontrer ni l’un, ni l’autre mais mon devoir exigeait de moi tout autre chose.

Je recevais donc Éléanor d’Erzac sans appréhension aucune ni animosité. Elle n’était pas responsable des agissements de son père et le Cataclysme avait, je devais le reconnaître, changé bien des choses pour bien des gens. Après tout, n’avait-il pas fait de Thibault de Clairssac qui était un enfant turbulent, un homme des plus raisonnables aujourd’hui ? Elle avait été désolée que sa conversation avec le duc d’Orzon ait tourné au vinaigre et n’ait pas aboutit à l’échange cordial qu’elle avait espéré avoir avec le jeune homme.

- En tout premier lieu, je vous prie de croire en mes plus sincères condoléances dame Éléanor pour votre immense perte. Votre père était un homme totalement dévoué au bien être de son duché. C’est une grande perte pour le royaume également, nous partageons votre tristesse.

Mensonge absolu mais il fallait bien ça. Dire moins aurait été impoli surtout si je ne voulais pas m’ôter l’amitié d’un duché aussi riche et puissant que ne l’avait été le sud.

- Malgré cette tragédie, le duché d’Erzac est fort heureux de pouvoir disposer d’une tête sur laquelle se poser. Une tête bien faite et bien pleine si j’en crois les rumeurs. C’est aussi bien.

Je ne sais pas vraiment si la jeune femme était plutôt sensible à la flatterie maiS sait-on jamais, ça ne mangeait pas de pain d’autant plus que c’était la plus totale vérité. On lui avait toujours rapporté d’Éléanor d’Erzac que le duché du nord serait bien en aise d’avoir pour duchesse une femme aussi accomplie. Je n’étais pas sans avoir été informée de la situation entre ces deux duchés et du pacte que la couronne les a obligé à conclure et à respecter pour préserver la paix dans le royaume. Ne sachant pas si la jeune femme avait été mise dans la confidence de l’état du duché du Nord, je décidais de tenir ma promesse faite au duc d’Orzon et de tenir ma langue. Il ne m’appartenait pas de lui annoncer ces mauvaises nouvelles, d’autant plus la perte de son fiancé et l’existence du nouveau du coup en la personne du duc d’Orzon lui-même.

Je laissais donc la jeune femme revendiquer son titre et prêter serment avant d’aller plus loin dans notre conversation.

Éléanor n'était pas très à l'aise avec la distance qu'imposait la souveraine. Elle était même plutôt franchement mal à l'aise. Qu'était-elle censée faire en de telles circonstances ? Elle n'en avait pas la moindre idée. Elle prit la décision de tenir son rang du mieux qu'elle le pouvait et d'accueillir avec respect les condoléances de la Reine et se sentit quelque peu réconfortée de ces paroles qui lui allaient droit au coeur.

Son père et son frère lui manquaient tellement. Elle n'avait eu qu'une hâte après leur décès : partir. Elle n'en pouvait plus d'errer dans ces couloirs où elle avait tant partagé avec chacun. Des jeux avec Peter, des conversations avec son père. Elle n'avait pas vraiment conscience qu'au-delà de cet homme protecteur et affectueux qu'était son père avec elle, il possédait une soif de pouvoir qui ne pouvait être étanchée.

A vrai dire, s'il lui avait confié la mission de se rapprocher de la Reine et de s'en faire une amie, il le lui avait présenté comme étant une occasion de lier une nouvelle amitié qui pourrait lui être utile dans le futur et surtout qui ravirait sans doute la Reine puisqu'elles avaient pratiquement le même âge et qu'elles appartenaient toutes deux aux hauts-rangs de la noblesse. Toutefois, elle ne s'était pas attendue à rencontrer une femme aussi froide.

Arrêtant sa souveraine dans sa déambulation pour la devancer et se placer à genoux face à elle, elle lui tendit un collier avec les marques des armoiries de sa famille, comme le voulait la tradition.

- En gage de l'allégeance du duché d'Erzac envers sa souveraine, je vous prie d'accepter ce modeste présent, symbole de mon duché et vous demande de le placer sous la protection de votre bannière. Nous nous engageons à vous servir avec loyauté et fidélité votre Majesté, si vous l'acceptez.

Il était de tradition d'offrir à la Reine un présent qui symbolisait le duché afin de s'en voir confier la direction. Elle espérait simplement que cette femme des plus insondable du fait de la distance qu'elle maintenait face à son interlocutrice, allait accepter son allégeance. Eléanor n'avait aucune idée de l'état du royaume. Peut-être pourrait-elle se permettre de la refuser au profit d'un autre ? Mais qui ?

Depuis ma plus tendre enfance, on m'apprit à garder les gens à distance. On m'avait toujours inculquée de me méfier des autres et surtout de leurs intentions. De ce fait, sans même en prendre conscience, je gardais les gens à distance en me montrant relativement froide. Cela me coupa de nombreuses amitiés qui auraient pu rendre mon existence bien moins solitaire. Avec le temps et la reconstruction du royaume, je veillerai à corriger ce défaut. N'étions-nous pas tous dans le même bateau après tout ?

Je regardai ma belle interlocutrice, à genoux, me prêter serment dans la pure tradition du sud. J'acceptais bien volontiers son présent, gage de sa loyauté et le lui remis afin de lui montrer mon acceptation. Là encore, comme le voulait la tradition.

- C'est avec honneur et plaisir que j'accepte votre serment et place votre duché sous la bannière protectrice de la couronne. Puissiez-vous le diriger avec l'intelligence que l'on vous connaît, duchesse d'Erzac. Lui répondis-je avec formalisme.

J'incitais alors la jeune duchesse, pas plus vieille que moi, à se relever et à poursuivre notre promenade, tout en échangeant sur la situation préoccupante de son duché.

- Concernant vos préoccupations vis-à-vis de la maladie, vous me voyez bien triste que nous ne puissions échanger sur la question que maintenant. J'aurais pu vous éviter beaucoup de morts. Vous avez voulu bien faire, ne vous culpabilisez pas pour cela. En revanche, il nous faut corriger le tir et bien vite. Vu l'urgence de la situation, permettez-moi d'envoyer de ce pas un messager afin de donner l'ordre de brûler les corps. Il vous devancera ainsi de quelques jours. Pas une minute est à perdre dans de telles circonstances.

La duchesse d'Erzac pouvait voir sans peine ma préoccupation quant à la situation d'Erzac. Le royaume avait déjà bien assez souffert. Il n'était pas nécessaire d'en rajouter en laissant trainer une épidémie qui risquerait de toucher l'ensemble du royaume.

J'aurais dû envoyer des messagers dans le tout le royaume pour faire cette annonce, malheureusement, cela m'avait été impossible. La capitale était déjà débordée de survivants en quête de sécurité et de la protection de la couronne. Mes hommes tâchaient de maintenir le calme et de préserver la sécurité. Si je pouvais me passer de l'un d'entre eux, je ne pouvais pas en revanche me passer de plus d'hommes que cela. J'espérais secrètement que la jeune femme le comprendrait. Je souhaitais sincèrement l'aider mais j'étais moi-même assez démunie face à ce que nous avions traverser et à ce qui nous attendait encore.

Adélaïde I a écrit:

- C'est avec honneur et plaisir que j'accepte votre serment et place votre duché sous la bannière protectrice de la couronne. Puissiez-vous le diriger avec l'intelligence que l'on vous connaît, duchesse d'Erzac.

Eleanor avait acquiescé avec politesse. Elle sentait en un sens que sa souveraine faisait preuve d'une gentillesse un peu forcée sans comprendre vraiment pourquoi. Se montrait-elle désagréable ? Ou y avait-il autre chose ?

Adélaïde I a écrit:

- Concernant vos préoccupations vis-à-vis de la maladie, vous me voyez bien triste que nous ne puissions échanger sur la question que maintenant. J'aurais pu vous éviter beaucoup de morts. Vous avez voulu bien faire, ne vous culpabilisez pas pour cela. En revanche, il nous faut corriger le tir et bien vite. Vu l'urgence de la situation, permettez-moi d'envoyer de ce pas un messager afin de donner l'ordre de brûler les corps. Il vous devancera ainsi de quelques jours. Pas une minute est à perdre dans de telles circonstances.

- A vrai dire, ce serait inespéré votre Majesté. Si cela ne vous coûte pas trop de vous séparer un temps de l'un de vos hommes.

Eleanor se sentit soudainement horrifiée. Pour que la souveraine lui propose de se séparer de l'un de ses hommes alors que chacun était indispensable en ces temps de survie, montrait sans le dire, à quel point elle considérait la situation comme inquiétante. Elle ne voulait pas que sa souveraine la pense incapable ou même insensible face aux souffrances de son peuple.

Quoi qu'il en soit, pour ce geste, la jeune duchesse se sentait débitrice de la jeune monarque.

- En tout cas, je vous remercie grandement pour votre geste, je ne l'oublierai pas.

Elle espérait qu'une fois la maladie enrayée, elle pourrait s'occuper de chantiers importants comme la nourriture ou encore la sécurisation des routes. Si elle n'avait pas rencontré d'obstacle lors de son voyage, elle avait bien senti que c'était une aubaine et qu'elle ne devait d'être là que par la chance.

- Une fois l'épidémie enrayée, nous serons en mesure de permettre au duché de se remettre et de recommencer à produire en quantité suffisante de la nourriture ou du bois.

Sentant qu'elle se trouvait à court d'arguments pour montrer qu'elle serait une bonne duchesse, Eléanor préféra changer de sujet afin de peut-être s'attirer un peu plus l'amitié, sinon la sympathie de la Reine.

- Sans doute peu de gens pensent à vous poser la question mais et vous, votre Majesté, comment vous sentez-vous ? J'imagine que tout ceci doit être dur à gérer au quotidien et que, tout comme moi depuis la mort de mon père, vous vous sentez avoir le poids du monde littéralement sur les épaules. Fort heureusement, vous avez Clerebal le Juste pour vous épauler et vous conseiller au mieux. Mon père avait la plus haute opinion de lui, il disait toujours qu'il était le plus sage des ducs.

La jeune femme regarda avec attention la Reine, non pas pour chercher une faille en elle mais pour sonder si elle éprouve un peu plus de sympathie pour la jeune femme que son attitude guindée et polie ne le laissait présager pour le moment.

Que la jeune duchesse souhaite me prouver sa bonne volonté est compréhensible. Toutefois, si elle pense me donner une preuve de quoi que ce soit par de simple paroles, elle se trompe grandement. Rien n'a plus de valeur que les actes à mes yeux.

Néanmoins, me prenant totalement de court, la jeune femme changea brusquement le ton de cette conversation en me demandant comment j'allais. Peu habituée à un tel changement de registre et une volonté évidente de proximité, je me sentais pour le moins désarçonnée. Devais-je rappeler la jeune femme à son rang ? En même temps, je voyais bien que ses intentions étaient parfaitement louables et qu'elle ne pensait pas à mal, bien au contraire. A la réflexion, je devais admettre que je me sentais plutôt touchée par le geste d'Eléanor d'Erzac. Je lui répondais par un sourire bien sincère. Elle percevait sans aucun doute mon trouble et je n'allais pas m'en cacher d'ailleurs.

Je lui répondais alors avec la simplicité d'un échange entre deux demoiselles du même âge :

-Je vais bien, je vous remercie. Ce n'est pas facile tous les jours mais les circonstances sont tellement particulières que comme tout à chacun, je fais ce que mon devoir me commande de faire. J'apporte ma pierre à l'édifice. La reconstruction ne sera pas aisée et je gage que nous allons sans aucun doute rencontrer des obstacles à surmonter mais nous y arriverons. Nous prendrons à bras le corps chaque problème qui se posera à nous et mettrons nos forces en commun pour trouver les solutions qui s'imposeront. En revanche, la santé de Clerebald me préoccupe grandement. Voici quelques temps qu'il est souffrant et ses médecins qui m'informent quotidiennement de son état semblent plutôt pessimistes. Je me sens impuissante mais je ne peux que m'en remettre aux dieux comme tout le monde. L'avantage c'est que suite au Cataclysme, il y a tant de choses à faire que j'ai de quoi m'occuper l'esprit.

Je la regardais. En fin de compte, pouvoir me confier à quelqu'un me faisait le plus grand bien. Je ne m'attendais seulement pas à ce que ce soit Eléanor d'Erzac qui deviendrait ma confidente. Espérons que ce soit pour le mieux et qu'elle ne soit pas comme son père. L'avenir me le dira suffisamment tôt.