Le but du voyage d'Eléanor était atteint et il avait été temps pour elle, après quelques semaines d'hospitalité, le temps pour elle de réunir ce qu'il lui fallait en denrées pour rentrer. Elle n'avait pas eu de nouvelles depuis le départ de Thibault pour le duché d'Orzon mais elle espérait que les voies de communication allaient rouvrir bientôt avec le retour des pigeons comme l'espérait la Reine et de pouvoir avoir très bientôt de ses nouvelles.

Comme d'autres seigneurs, elle proposa aux réfugiés de la capitale de l'accompagner dans son périple pour venir s'installer dans ses terres. Le sud faisait beaucoup rêver. Tout le monde avait déjà entendu parler du somptueux château des ducs d'Erzac, de ces femmes richement parées et vêtues... On leur vendait du rêve. Ainsi, elle dût, à l'aide du connétable de la Reine qui fut mis à sa disposition pour l'occasion, faire passer des entretiens et ne retient que les hommes et les femmes en âge de travailler et assez forts pour tenir un si long voyage.

Ainsi, récupérant sa monture, bien précieux de nos jours elle l'avait bien compris, elle reprit la route. Cette fois, elle ne fit pas étape à Solar. Elle voulait rentrer au plus vite, espérant de tout coeur, qu'à défaut d'une aide matérielle, les idées de la Reine avaient porté leurs fruits.

Le voyage fut encore plus long que celui de l'aller comme elle était cette fois accompagnée. Toutefois, elle ne fut pas plus embêtée. Sans doute qu'un groupe de 500 personnes était assez dissuasif.

Elle arriva sans encombre au petit matin, dans un Wendennis qui n'avait plus rien à voir avec la ville qu'elle avait quittée. Il n'y avait cette fois plus de cadavres dans les rues et les gens semblaient avoir retrouvé une vie plutôt paisible. Cela la rassurait et provoquait quelque peu son enthousiasme. Elle sentait qu'elle avait réussi à sauver son duché, ce qui la rendait extrêmement fière.

Le peu de passants qu'elle croisait et qui la reconnaissaient l'accueillirent avec joie et enthousiasme mais regardaient le groupe de réfugiés avec une grande perplexité. Elle rejoignit le château ducal ou ce qu'il en restait et donna des ordres pour que l'on installe, que l'on vêtisse et nourrisse les nouveaux arrivants. Elle demanda alors à ce que son connétable leur trouve à chacun une fonction qu'ils seraient en mesure d'accomplir afin d'aider à la reconstruction du duché et aider à l'effort collectif pour permettre à tous de survivre. Elle laissa à un écuyer sa monture en lui demandant qu'on lui accorde une ou deux carottes s'ils en avaient ou sinon du pain pour la récompenser de son courage. Elle rejoignit alors sa mère, toujours accompagnée de ses deux soeurs.

A son entrée, ces dernières se sentirent surprises. Immédiatement, elles se levèrent et lui firent la révérence comme le veut l'usage, ce qui déstabilisa quelque peu Eléanor qui ne s'attendait pas à cela.

- Bon retour chez toi mon enfant. Quelles sont les nouvelles de la capitale ? Lui dit sa mère en la prenant dans ses bras avec affection.
- Merci mère. Je crains qu'elles ne soient pas bonnes, bien au contraire. Il semblerait que toutes les terres du royaume soient en grandes difficulté. La Reine n'a toujours pas de nouvelle du duché de l'est, ce qui est assez inquiétant.
- C'est donc pour cela que toute Reine qu'elle est, elle n'ait pas désiré nous venir matériellement en aide. Répondit sa mère avec une moue désapprobatrice.
- C'est qu'elle ne le peut pas, mère. Dans la capitale, elle a 5000 bouches à nourrir sans compter le flux de réfugiés qui arrivent chaque jour. Je suis d'ailleurs revenue avec 500 d'entre eux qui ont voulu m'accompagner.
- Comment cela, des réfugiés à Wendennis ? Mais tu n'y penses pas ?! S'estomaqua sa mère. Offensée ou courroucée, on n'aurait pas vraiment su quelle expression était la meilleure pour évoquer le mépris dont elle fit preuve.
- Mère, nous avons besoin d'eux pour reconstruire le duché. J'ai personnellement sélectionné grâce au connétable de la Reine, toutes ces personnes. Elles sont toutes dans la force de l'âge et aptes à travailler. Certains même ont des compétences particulières qui pourraient nous être grandement utiles. Nous avons perdus énormément de sujets entre le Cataclysme et l'épidémie. Donc à moins que vous souhaitiez vous-même travailler dans les champs pour vous nourrir, il vous faudra l'accepter car il en est ainsi.

Le ton avec lequel la jeune femme s'était exprimé n'appelait pas une quelconque réplique mais chacune comprit alors formellement qui allait régner ici et que les temps où elles allaient pouvoir quémander des privilèges en minaudant était terminé. L'idée que cela soit ainsi les répugnait au plus haut point mais elles surent qu'il fallait se taire à ce moment précis.

Lasse, Eléanor souhaita alors prendre congé et aller se reposer. On l'informa donc qu'on l'avait désormais installée dans les appartements qu'occupaient son père avant de mourir. L'idée de dormir dans le lit où elle avait perdu son père tant aimé, emporté par la maladie la répugnait profondément. Toutefois, ses soeurs n'avaient pas attendu pour occuper ce qui était sa chambre. Trop lasse pour se battre sur ce sujet maintenant, elle décida qu'elle récupèrerai sa chambre dans l'état dans laquelle elle était partie avec tous les objets qui s'y trouvaient (ses soeurs avaient une fâcheuse tendance à lui voler ses affaires). Elle annonça qu'elle dormirait dans la chambre réservée aux invités de marque en attendant que les changements soient prêts. Elle exigea également que l'on vide les chambres de son père et de son frère de leurs effets et qu'on les apprêtent à une toute autre destination qu'elle déterminerait ultérieurement.

L'idée même que ce soient encore des chambres, la révulsait. Elle s'en occuperait à tête reposée quand elle en aurait le temps. Cela n'était pas prioritaire mais elle refusait que qui que ce soit dorme dorénavant dans ces pièces.