Mon retour dans l'ouest avait été toute une expérience. J'avais fait une grosse erreur en partant m'aventurer dans la capitale. Je n'aurais pas pensé que la vie y serait beaucoup plus misérable que ce que j'avais connu dans l'est alors que j'étais seule et que je tentais de simplement survivre. À Fort-Espérance, on luttait pour tout : se nourrir, survivre. Seuls les voleurs les plus aguerris parvenaient à vivre correctement dans les dédales de feu la capitale ducale, devenue capitale du royaume.
Encapuchonnée à cause de la pluie, la fête semblait battre son plein. L'automne n'avait pas encore délesté tous les arbres de leur feuillage mais un amoncellement de feuilles mortes, mêlées à de la boue rendaient les pas plus silencieux encore qu'avant où tout n'était qu'eau et boue. J'étais attirée par les flambeaux du hameau dans lequel il semblait se donner une célébration en l'honneur des dieux. La musique qui y était jouée s'élevait dans les airs, rompant le silence qui régnait depuis le Cataclysme. À croire que tous les survivants de l'est s'étaient réunis en un même lieu, le seul hameau encore en état de tout le duché peut-être ?
J'entrais en regardant le spectacle qui s'offrait à moi. Des jongleurs, funambules, cracheurs de feux et autres troubadours s'étaient réunis pour offrir un spectacle digne des traditions de l'est. En tout cas... c'est ce qu'on m'avait dit. Même si les mets n'étaient plus ce qu'ils étaient, on proposait tout un tas de plats aux participants. Après avoir gagné à une partie de cartes de quoi m'acheter de quoi profiter de la soirée, je m'achetais alors un peu de volaille afin de m'intégrer un peu aux gens venus fêter ce soir les dieux et leur demander un hiver clément. Cela me permettait d'avoir l'air un peu moins louche, même si j'étais toujours vêtue avec des habits de l'ouest, j'avais plus l'air d'une voyageuse, voire d'une aventurière que d'une jeune femme. Je m'amusais de voir les gens redevenir un peu heureux, oublier leurs soucis. S'ils savaient ce qu'il se passe à l'ouest... Comment les choses étaient (ou plutôt n'étais pas) gérées par ces nobles qui se gargarisent d'être puissants et qui ne pensent qu'à eux-mêmes...
En vérité, je n'étais pas là pour faire la fête mais pour bien autre chose. Mon retour dans l'est était loin d'être anodin. Au détour d'une rue, alors que je me cachais pour éviter quelques ennuis après avoir volé de la nourriture, je surpris une conversation. Deux hommes échangeaient à propos de changer l'ordre des choses et disaient que ceux qui pensaient comme eux commençaient à se réunir et à s'organiser à l'est. Je voulais être de ce changement, en faire pleinement partie et avoir une autre place que celle que l'on m'attribuait avant le Cataclysme.
Alors que je quittais la place, mon attention fut détournée par une bagarre qui semblait avoir commencé. Je regardais la scène avec amusement quand je me heurtais soudain à quelque chose (ou plutôt quelqu'un). Par réflexe, j'avais serré contre moi le pilon de volaille que j'avais acheté et je regardais qui j'avais heurté.
- Sylvain ! Lâchais-je dans un murmure.
Étonnée de voir ce vieil ami revenu lui aussi dans l'est je m'apprêtais à lui poser des questions sur son parcours avant d'être interrompue.