Il fait super froid ! C’est la première réflexion que je me suis dit lorsque je suis sorti de mon lit ce matin. Heureusement, les couvertures troquées il y a peu à la capitale en échange des différents légumes me permettent de dormir sans me préoccuper de la baisse des températures.

Je me lave donc rapidement, aidé par Arthur, un jeune homme qui me sert d’écuyer non officiel et je m’habille avec mon habituel tenue noire. Celle-ci a pu enfin être correctement rapiécé et j’ai enfin l’air d’un vrai noble. Il ne me reste plus qu’a ceindre à ma taille le ceinturon où est mon épée, pas que je sache m’en servir convenablement mais c’est le symbole de mon rang et j’y tiens.

Avec les six hommes qu’il me reste, nous sommes la seule force armée du village et nous avons dû à plusieurs reprises repousser des pillards, heureusement que ces derniers sont souvent sous-alimentés car sinon, j’aurais eu bien plus que des blessés légers à déplorer. D’ailleurs ce temps m’inquiète, des bandits mourant de faim et de froid pourrait être, poussés par le désespoir, tentés de piller nos réserves. Je suis tiré de mes sombres pensées par Smith, le garde de la porte Sud qui vient me voir dans ma tour toujours à moitié écroulé, manifestement essoufflé. Immédiatement je suis sur le qui-vive et je lui demande :

Que se passe-t-il ?

Le soldat me répond, essayant de reprendre son souffle :

Des étrangers, beaucoup d’étrangers !

Je jure entre les dents, il n’aurait pas dû quitter son poste mais envoyer un des habitants, maintenant cette entrée n’est plus gardée ! Je vais devoir demander à Perceval, leur chef de faire un rappel des consignes à tous ses subordonnées, mais je verrais ça après, car il y a plus urgent à gérer, je lui demande donc :

Appel tout le monde !

Je le vois acquiescer de la tête et courir dans la bonne direction. Pour ma part, je me dirige vers l’issue non gardé et je peux voir tout de suite que ma pire crainte c’est réalisé, des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants sont entrés. Leur leader semble être une femme, aussi grande que moi, elle est bien plus musclée et rousse, ce qui fait une combinaison dangereuse et c’est donc avec soulagement que je vois Perceval me rejoindre avec tous ses hommes aux grands complets. Nous sommes pourtant en grande infériorité numérique et si un combat devait se dérouler, il y aurait des morts dans les deux camps, et je ne suis pas sûr de gagner, c’est pourquoi je m’adresse à la géante en souriant :

Bienvenu dans notre village, je suis Fabius Solar, représentant du conseil des anciens qui gère ce village.

Je lui fais une légère révérence comme je l’ai appris lors de mes cours de diplomatie dans le sud et je continue :

Le marché devrait bientôt ouvrir et c’est avec plaisir que les habitants et les voyageurs vont pouvoir troquer avec vous leurs produits. Nous sommes principalement des maraichers et nos légumes pourront vous satisfaire, c’est certain.

J’ai bien fait attention de ne pas paraitre menaçant, les soldats derrière moi le sont bien assez et puisque j’ai déjà traité avec des ducs, je devrais pouvoir m’en sortir avec une cheffe de clan !

 
 
 
 
 
 

Les voyageurs semblent surpris par mes paroles, mais la chef se reprends vite et me demande si elle peut faire halte, alors que j’allais lui donner mon accord, elle indique qu’elle souhaite rester plusieurs mois, ce n’est plus une halte, c’est un hivernage ! Mais lorsque la rousse me tend le bras, je ne réfléchis pas longtemps et je lui serre l’avant-bras comme j’avais vu les Nordiens le faire à la cour royale, respectant ainsi la coutume.

Je le garde juste le temps qu’il faut, pas trop pour que ce soit mal interprété, ni trop peu pour qu’elle le prenne comme une insulte. Puis, je lui souris :

Je ne doute pas que vos guerriers sont redoutables, mais la protection du village est de ma responsabilité, de plus l’autorité de la Reine nous protège. Vous êtes mes invités, je vous propose donc de nous aider au travail de la terre, les oignons, carotte et surtout les fèves doivent être plantés en ce moment même. Nous pourrons ainsi avoir une récolte plus abondante et vous nourrir en échange de votre labeur.

Je jette ensuite un coup d’œil aux poules qui les accompagnent et je leur dis :

J’ai également remarqué vos animaux, il se trouve que tous ceux que nous possédions sont mort lors du cataclysme et je suis donc très intéressé par vos volatiles. Si vous acceptez de nous vendre les poussins, nous pourrons refaire notre cheptel et remanger un peu de viande, car le peu que nous percevons grâce à un accord d’un seigneur local est réservé aux enfants et aux femmes enceintes.

Je réfléchis ensuite sur comment loger tout ce monde et je lui indique :

Comme vous l’avez sans doute remarqué ce village d’autrefois un millier d’habitants n’est plus occupé que par une centaine à présent, nous avons donc pas mal d’emplacement de libre, vous pouvez donc vous installez où il vous plaira, nous vous fournirons les outils nécessaires et pendant les travaux, vos ainés pourront dormir au rez de chaussé de l’auberge. Qu’en pensez-vous ?

Je ne propose pas à tous d’y dormir car si je souhaite que cette dernière puisse continuer d’accueillir les voyageurs de passage. Maintenant il ne reste plus qu’à savoir si toutes mes propositions seront acceptées. Je sens d’ailleurs toujours une certaine tension derrière moi, comme si mes gardes ne faisaient guère confiance à ces étrangers, ce que je peux comprendre, mais il faut maintenant tourner la page de la simple survie et voir plus loin.

J’ai en face de moi des sujets du Royaume d’Esteria, tout comme moi et il y a moins d’un an, nous aurions pu échanger autour d’un verre sans aucun problème, rigolant ensemble de nos différences culturelles. Nous ne sommes pas des ennemis et comme je souhaite qu’Adélaïde réussisse son projet de réunir les survivants sous sa bannière, il faut que je passe par-dessus la peur et mes préjugés.